Question du Député André Antoine au Ministre Borsus à propos du développement urbanistique de Nivelles.

QUESTION ORALE DE M. ANTOINE À M. BORSUS, MINISTRE DE L’ÉCONOMIE, DU COMMERCE EXTÉRIEUR, DE LA RECHERCHE ET DE L’INNOVATION, DU NUMÉRIQUE, DE L’AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE, DE L’AGRICULTURE, DE L’IFAPME ET DES CENTRES DE COMPÉTENCES, SUR « LES PROJETS IMMOBILIERS NIVELLOIS »

M. Antoine (cdH). – Monsieur le Ministre, après la faillite ou l’assainissement d’un site, voilà une ville qui est en pleine expansion – et l’on peut saluer bien sûr le travail de ces gestionnaires depuis une quinzaine d’années – puisque la ville a connu un essor particulièrement important, que ce soit par le truchement de la présence de la gare, la rénovation de la grand-place, ou encore, plus récemment le dossier d’un cinéma que je connais bien pour avoir facilité le mécanisme de son financement.

Aujourd’hui, cette attractivité est telle qu’elle a amené un grand nombre de projets immobiliers qui posent question dans l’équilibre des différentes fonctions au sein de la Ville de Nivelles. J’en veux pour preuve, l’îlot Saint-Roch, projet de 310 logements, le fief de Rognon pour 150 logements, les Chabotes avec 150 logements, le Val de Thines – que vous devez bien connaître – est un projet considérable où l’on évoque 1 200 appartements, et je dois bien sûr – c’est l’objet de la colère des Nivellois aujourd’hui – y ajouter les Récollets, que nous connaissons bien, nous, les Brabançons wallons, parce que c’est à l’entrée du centre de Nivelles, où l’on ambitionne d’aménager 64 appartements en sacrifiant, au passage, un des rares sites verdoyants de la ville et en abattant les arbres qui sont pourtant en tous points conformes aux critères du CoDT – on peut donc s’en étonner.

Aujourd’hui, la contestation est très forte, puisqu’il y a une pétition de 4 647 signatures. Vous avez d’ailleurs vu que le débat prenait une allure politique, puisqu’ils ont mis en cause un membre du Gouvernement – à tort ou à raison, je ne me prononcerai pas. Le fond du dossier est beaucoup plus important. Ce qu’il dénonce par la sommation de tous ces milliers de logements, c’est l’absence de parking, le problème aigu de mobilité et le manque d’espaces verts qui est particulièrement criant.

Dès lors, il y a l’autonomie communale – et bien sûr, je veux la respecter –, mais il n’empêche que, quand on a une ville qui est aussi attractive et qui représente quand même une ville phare comme chef-lieu d’arrondissement dans le Brabant wallon, dans le dialogue que vos services et vous-même aurez, Monsieur le Ministre, ne devrait-on pas, d’une certaine manière, désamorcer, prévenir le conflit qui est aujourd’hui évident, en prenant un certain nombre d’initiatives ? Ainsi, ne faudrait-il pas – question, mais pour moi, c’est une suggestion évidente – imposer un schéma d’orientation locale, le SOL, qui permet alors, vous le savez, d’établir une cohérence urbanistique, de fixer les gabarits, de retenir un certain nombre d’endroits pour les parkings, de fixer, de manière contraignante, les espaces verts et de les faire respecter. Je pense que, depuis le CoDT, vous avez aujourd’hui un outil fabuleux à disposition dans un bon dialogue entre la Région, la ville et les citoyens, puisqu’ils sont extrêmement bien organisés.

D’autre part, vos services de l’urbanisme ne vont-ils pas, comme c’est le cas dans d’autres dossiers d’urbanisme dont j’ai eu connaissance dans notre Région, imposer au préalable une étude de mobilité ? Celle de Nivelles date de 2004 et elle est complètement dépassée. Au passage, mais j’en conviens, c’est une responsabilité de votre collègue, M. Henry, ne comptez-vous pas renforcer l’offre de transport en commun, en liaison avec la place ferroviaire que constitue la gare de Nivelles.

Bref, aujourd’hui, il faut désamorcer le conflit parce qu’il est particulièrement aigu et j’ai vraiment le sentiment qu’il y a énormément de fondement dans la démarche citoyenne. Ce n’est pas simplement du NIMBY comme d’aucuns veulent le dire. Il y a une démarche de coconstruction de l’avenir de la ville et, en cela, les outils dont dispose la Wallonie et dont vous avez la responsabilité pourraient largement y concourir.

M. Borsus (Ministre de l’Économie, du Commerce extérieur, de la Recherche et de l’Innovation, du Numérique, de l’Aménagement du territoire, de l’Agriculture, de l’IFAPME et des Centres de compétences). – Merci, Monsieur le Député, pour ce rôle de Casque bleu, de démineur, d’avocat et de parlementaire bien sûr. Plus sérieusement, la pression du développement urbain et de l’offre de logement ou de construction sur le territoire communal nivellois est effective et particulièrement connue des uns et des autres.

La mise en place d’outils planologiques permettant un développement cohérent, structuré, une maîtrise de la mobilité et la réalisation ou le maintien d’espaces publics, dont des espaces verts de qualité, me semble une approche intéressante qui peut être envisagée. Cependant, il s’agit d’abord d’une prérogative communale. Les schémas d’orientation locaux sont des outils intéressants à cet égard pour la mise en œuvre d’une vision sur un quartier, sur un espace, sur un îlot, mais ils ne permettent pas nécessairement d’aborder un projet à l’échelle de l’ensemble du territoire communal. De tels schémas ont été élaborés pour certaines zones. Par exemple, je citerai le projet Immobel ou le projet Chabotes. Ils ne peuvent donc pas se substituer à un outil plus global, tel que le schéma de développement communal.

Ainsi, mon administration et moi-même encourageons depuis plusieurs années les collectivités locales, les villes et les communes à élaborer, chaque fois que c’est nécessaire, un schéma de développement communal. C’est également le cas en ce qui concerne Nivelles. Des outils de ce type permettent d’avoir une vision, de se projeter dans le temps, d’avoir aussi une approche globale de son développement, des densités, des perspectives, des zones à mettre en œuvre prioritairement et d’autres points encore. Cette démarche avait été entamée à Nivelles, m’indique-t-on, par le passé. Elle fut ensuite abandonnée. Suivant l’écho que me donne mon administration, il semble que le collège communal ne souhaite pas aujourd’hui se relancer dans l’élaboration d’un tel outil qui, nonobstant ses avantages, implique aussi un certain nombre de contraintes, de difficultés, d’étapes et d’éléments à assumer.

Par ailleurs, la commune utilise également d’autres outils, tels que la rénovation urbaine pour le centre urbain, en particulier pour la rénovation et la mise en valeur des espaces publics, des périmètres de remembrement urbain ou des sites à réaménager – les fameux SAR qui ont été mis en place. Les autorités communales se sont également inscrites dans l’élaboration d’une zone d’enjeu communal, ZEC. Il s’agit d’un autre dispositif planologique récent. Il y a donc un véritable volontarisme local par rapport aux outils que permet et qu’offre le CoDT, notamment avec l’élaboration d’une zone d’enjeu communal sur le site du Val de Thines. Même si, comme vous l’avez relevé, on se trouve dans les compétences de mon collègue Philippe Henry, le plan communal de mobilité est lui-même en cours de révision et en est à la phase de diagnostic.

Je suis extrêmement attentif à pouvoir imprimer transversalement Wallonie une vision en termes d’aménagement du territoire, dans le droit fil de notre Déclaration de politique régionale, mais je suis aussi autorité délibérante en recours dans un certain nombre de dossiers. Dès lors, je dois m’exprimer avec toute la prudence qui sied à l’exercice de cette responsabilité.

Par ailleurs, la Wallonie comme moi-même sommes très attachées à l’autonomie communale et à la connaissance de proximité qu’on les mandataires locaux de leur territoire et au relationnel qu’ils nourrissent avec leurs concitoyens. Je souhaite, tout en respectant l’ensemble de ces éléments, être à disposition pour soutenir avec la commune une démarche d’écoute, de dialogue et de conviction.

M. Antoine (cdH). – D’emblée, le ministre avait dit qu’il allait se présenter avec un casque bleu. Manifestement, le propos caractérise la tenue. Je ne sais pas si l’on va franchir la ligne verte telle que nous la connaissons à Nicosie, où il y a les tenants de deux approches. Vraisemblablement, plus sérieusement, le feu est à l’orange, sinon même au rouge aujourd’hui à Nivelles, parce qu’il y a une coalition citoyenne forte et qui – vous l’avez vous-même mentionné, Monsieur le Ministre – devant la cascade de dossiers, en matière de rénovation urbaine, de périmètre de remembrement urbain, décret que je connais bien, pour l’avoir porté, de zones d’enjeu communal, génère un bouillonnement qui pose question. Nous ne pouvons en effet pas le nier, le problème du parking, de la mobilité et des espaces verts reste aujourd’hui un enjeu crucial pour l’avenir de Nivelles et même pour sa ceinture, qui est aujourd’hui constituée par des barres d’appartements à répétition.

Je note votre disponibilité à encourager une étude globale. Vous l’avez vous-même dit, et je m’en réjouis, en gestionnaire avisé que vous êtes, un schéma communal permet quand même de se projeter dans l’avenir et d’opposer une réponse objective, sinon, à chaque fois, on apporte un « pansement » aux problèmes qui se posent, mais sans vue d’ensemble, sans vue clinique de la gestion urbanistique. J’ai entendu que vous vous réserviez une discrétion et une retenue parce que vous êtes autorité de recours. Je ne sais pas s’il y a là une espèce de mise en garde larvée indiquant aux promoteurs qu’ils doivent être prudents parce que vous n’acceptez pas tout et son contraire.

J’espère qu’il en est ainsi parce que, aujourd’hui, voilà une ville qui avait réussi, ces dernières années, une belle métamorphose et qui, je le crains, par le succès qu’elle a suscité, qu’elle a provoqué, risque aujourd’hui de connaître un étouffement urbanistique au détriment même de ses concitoyens.

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